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Channel: LE VOYAGE DE JéNORME
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LE MENOUX, son église, ses fresques (36)

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Je profite d'un petit trajet de 700 bornes entre Bayonne et Nevers pour faire un détour dans l'Indre.
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

 

Aaaaaah, ben ouais : les salles de spectacle, les cinémas, les théâtres, les musées ne sont toujours pas ouverts suite aux mesures sanitaires visant à lutter contre la propagation du virus Covid19. Putain que c'est long àécrire à chaque fois ça ! Et putain que c'est long ces mesures !!!!
Et pis attends, c'est pas fini parce que... après le Coronavirus, après le Covid19, après la Covid19, après le variant anglais, après le variant sud-africain, après le variant brésilien, après le variant du variant anglais,... va savoir ce qu'ils vont trouver pour ne toujours pas ouvrir bars, restos, salles de concert, musées, cinéma, théâtres,... VA SAVOIR !!!!

On ne sait toujours pas quand cela se terminera, on ne sait toujours pas quand cela réouvrira. Et franchement, ça devient très long ! Trop long !
Je ne parviens pas à comprendre comment on peut envoyer des gens sur la lune, sur Mars, à livrer un colis inutile en moins de 12 heures et, finalement, ne toujours pas venir à enrayer ce putain de virus au point de bloquer autant d'activités ! Je ne comprends pas !
Fin de l'intro.

Alors, en attendant, je me suis rendu dans une église car, oui, Mesdames, messieurs, les églises sont ouvertes.
Et oui, Mesdames, Messieurs, il y a des choes à voir dans les églises.
Fin de la thèse

Mais, attention, loin de moi l'idée de me rendre dans ces édifices religieux gris et froid jusqu'à la fin de ma vie parce que les musées, salles de spectacle, cinémas, théâtres ne réouvriront jamais.
Fin de l'antithèse.

Toutefois cependant pourtant et quand bien même à priori, il existe des églises et des intérieurs d'église plus fascinantes que d'autres.
Fin de la synthèse.

Nous sommes soumis à un couvre-feu. Nous devons continuer de vivre sans restaurants, bars, salles de concert, théâtres, cinémas, musées... pour le moment. Mais il est hors de question de rationaliser.
Hors de question de se dire une fois que tout ce bordel sera fini : "Bah finalement, c'est pas si mal que ça de ne pas aller dans les lieux culturels et de convivialité."
Hors de question de se laisser aller également à ne rien faire car tout nous semble impossible ou/et contraignant.
Il faut alors chercher des lieux, des endroits à visiter tout en prenant en compte ces contraintes sanitaires.
Il faut s'adapter au manque de temps, ne pas se laisser déborder lors des visites et des périples.
C'est contraignant certes, mais il est hors de question de se laisser aller.
C'est dans cet esprit que je me suis rendu à Le Menoux, petit village discret et sans prétention situé dans le département de l'Indre.
Oui, on est bien d'accord : dans le département de l'Indre, et non dans le pays de l'Inde. Je dis ça parce que ce qui va suivre pourrait prêter à confusion.
Fin de la conclusion.

 

J'ai toujours la manie de vouloir faire des détours quand je me lance dans le trajet Bayonne-Nevers, reliant ma terre d'accueil à ma terre natale. Il y a pourtant 700 bornes à se taper, mais rien à faire : il faut que j'en fasse plus.
Lors de précedents billets, tu as peut être pu voir que je m'étais rendu tour à tour aux Pierres Jaumâtres (Creuse), àSaint-Bonnet-du-Four (Allier), Hérisson (Allier), La Pouge (Creuse), Chis (Hautes-Pyrénées), le Cantal, les sources de Moncaut (Landes), Bonnu (Indre),... et plein d'autres encore on va pas tous les faire on n'a pas que ça à faire !
Cette fois-ci, en ce mois de février 2021 toujours marqué par les restrictions sanitaires (lieux publics fermés et couvre-feu à 18h00), je ne me suis pas trop éloigné de la route la plus simple et la plus rapide reliant le pays basque au nivernais.

BAYONNE → A63 → BORDEAUX → N10 → ANGOULÊME
→ N141 → LIMOGES → A20 → CHÂTEAUROUX...

Ah non merde, je suis allé trop loin. Revenons à LIMOGES, prenons l'A20 et sortons à la sortie n°19, direction Celon-Vigoux-Ceaulmont.
Mais que peut-il bien y avoir à voir dans l'une de ces trois communes pour sortir ainsi de l'autoroute ?
Ah, ah, ah. Voyons.

CELON : son château, son tumulus, sa cavité souterraine Perte du Renard

VIGOUX : son Château de Villebuxière, la cloche classée de son église.

CEAULMONT : son château de la Prune au pot, son pont noir, son dolmen des Granges.

Eh ouais, mais si nous revenons au titre de ce billet, nous voyons que celui-ci met en avant le nom de "Le Menoux" car, oui, Mesdames, Messieurs, c'est au village de Le Menoux (ou du Menoux) que nous nous rendons.
Pour cela, il faut prendre alors une de ces petites routes de campagne sinueuse et boueuse comme je les aime. Au détour de laquelle, nous pouvons croiser quelques belles demeures et fermes. Les animaux ne sont pas exempts de l’itinéraire. Vaches, brebis, oiseaux. Mais aussi de petits ruisseaux sillonnant les vastes champs qui, en cette époque, sont au repos, laissant apparaitre de profonds horizons.
Ce n'est que seize kilomètres après avoir quitté l'autoroute que je passe le panneau de"Le Menoux" pour entrer dans cette petite commune de prime abord un peu perchée. Peut être pour éviter les débordements de la rivière La Creuse, qui passe à ses pieds de colline.

Le village du Menoux n'est pas très grand. L'église est de suite visible et facilement atteignable à condition de ne pas passser par cette rue qui porte bien son nom.

Le Menoux, le cul de sac (36)

C'est le moment rêvé  -ou pas-  de ne se demander d'où vient l'expression ou le mot "Cul de sac" car si nous décortiquons ce terme, cela semble surréaliste.
CUL : Derrière, postérieur humain.
SAC : Contenant formé d'une matière souple, ouvert seulement par le haut.
Hein ? Eh ?  Alors ?
Eh bien en fait, il faut aller jusqu'à la cinquième définition du Robert du mot "cul" pour se rendre compte que ce mot signifie également "fond de certains objets". DONC "cul de sac" = "fond du sac". Ok, d'accord, très bien, mais cela n'explique pas complètement pourquoi on associe une rue sans issue à un fond de sac.
"Cul de sac", c'est également le titre d'un film de Roman Polanski, réalisé en 1966.

L'HISTOIRE : Richard, gangster en cavale, et son acolyte Albert, qui est mourant, trouvent refuge dans un château irlandais. Richard ne tarde pas à semer le trouble au sein du couple étrange que forment la jeune et belle Teresa et George, un homme plus âgé qui vient de vendre son usine.

Bien qu'ayant obtenu l'Ours d'or au festival de Berlin, ce film est aussi connu pour ses difficultés et anecdotes de tournage.
Tourné sur l'île de Lindisfarne, les conditions météorologiques catastrophiques, les coupes budgétaires et le caractère difficile de certains acteurs ont compliqué le bon déroulement du tournage. Lionel Stander refusait de se rendre aux répétitions, arrivait sur le plateau à l'heure qu'il souhaitait, et était même désagréable avec les membres de l'équipe. La scène où il doit fouetter Teresa sur les cuisses avec la boucle de sa ceinture n'est pas simulée. Françoise Dorléac subit réellement les coups de Stander. Lors de la scène de la plage où Teresa va se baigner nue, Françoise Dorléac s'est évanouie sous l'effet du froid et du contact avec l'eau gelée.


BREF : quand tu évites la rue du cul-de-sac, eh bien, tu peux facilement rejoindre l'esplanade de l'église Notre-Dame du Menoux.

Le Menoux, église Notre-Dame (36)

Celle-ci date du XIXème siècle. De prime abord et d'extérieur, elle semble complètement banale, normale. Boooh, c'est nul de dire qu'une église est banale, normale... sauf quand l'intérieur est complètement surréaliste. Alors...


ENTRONS !

Une fois la porte franchie,
le spectacle est vraiment impressionnant.


Et maintenant, tentons de comprendre ce qu'il s'est passé. 

 

ÉGLISE NOTRE-DAME
LE MENOUX
Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, voûte (36)

Jorge Carrasco est né le 4 mai 1919 à La Paz, en Bolivie, la capitale la plus haute du monde, située à 3600 mètres d'altitude.La Paz est une ville métissée avec des peuples contrastés tels que les indiens de la Cordillère des Andes. Enfant, Jorge Carrasco s'imprègnera des traditions de ce peuple lors de ses vagabondages sur les hauts plateaux. Leurs coutumes, leurs mœurs, leur vision de l'univers marqueront son œuvre.
Il étudie les arts plastiques à l'Académie des beaux-arts, puis devient professeur.
En 1953, il est nommé présentant de la Bolivie à la deuxième biennale de São Paulo (Brésil) où il expose aux côtés de Matisse et Picasso. Il réalise ensuite de grandes fresques murales sur la production du sucre à Rio de Janeiro.
En 1954, il part à la découverte de l'Europe : Gênes, Venise, l'Espagne, la Suède, l'Angleterre, l'Allemagne, la France et la Suisse. A Paris, l fréquente l'Académie de la Grande Chaumière où il fait la connaissance de nombreux artistes et intellectuels, mais, surtout, c'est là qu'il fait la connaissance de Simone, sa future épouse et mère de ses cinq enfants. Elle sera sa guide, son inspiratrice. "Pour moi, l'Art est Amour et l'Amour c'est elle."
En 1958, il décide de rentrer en Bolivie, avec Simone mais l'assassinat de son frère qui avait dénoncé un trafic de drogue entre la Bolivie et le Pérou l'oblige à s'installer alors à Caracas (Venezuela). Il conçoit des dessins animés, travaille sur des programmes éducatifs pour la télévision, organise des expositions en Amérique latine et en Europe.
En 1962, il regagne La Paz. Il y réalise une fresque importante dans une des cryptes de la Cathédrale. Il organise des soirées mêlant concerts de groupes autochtones et expositions, participe pleinement à la mise en place du musée d'art moderne de La Paz, rencontre Che Guevara.
Toutes ces initiatives artistiques ne font toutefois pas oublier la situation difficile en Bolivie avec des coups d'état militaires et des pouvoirs autoritaires en place. Carrasco reste proche de la vie.
Mais suite à l'assassinat du Che en 1967, sa femme, ses enfants et lui même décident de fuir la Bolivie et la dictature pour la Belgique, puis la France.
C'est ainsi que la petite famille arrive au Menoux, petit village du Berry, où Simone avait une maison familiale.

Voici comment un grand peintre bolivien est arrivé dans un petit village du Berry.
Allait-il arrêter ses activités artistiques ? Oh que non !

Un exposé explicatif à l'entrée de l'église nous explique le cheminement de l’œuvre de Jorge Carrasco dans l'église Notre-Dame du Menoux.

"Jorge Carrasco découvre l'église Notre-Dame du Menoux il se dit 'Voilà une belle toile vierge qu'il faudrait recouvrir...'
Après une année de discussions avec les Arts Sacrés et la Commission de Beaux Arts, il obtient l'autorisation de recouvrir de fresques les murs et la voûte de l'église.
Carrasco a une conception cosmique de Dieu : il veut évoquer sa force créatrice et faire revivre l'idée que Dieu n'est autre que la vie.
Ce n'est pas l'idée mythique de Dieu mais la vie dans son infini bouillonnement, dont l'homme ne constitue qu'un de ses innombrables éléments.
Dans la clef de voûte du choeur, dominant les peintures murales, à gauche, les forces négatives.

Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, voûte et bancs (36)

Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, voûte, détail (36)

Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, voûte, détail

Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, voûte, détail


Devant, le feu de la création qui se déploie dans les premières circonvolutions de la vie :
'C'est le monde avant l'homme, ce sont les couleurs sombres des forces aveugles qui se disputent les formes. Mais l'homme est déjà là, en puissance. Il faut regarder dans le ventre de l'astre qui tourne, un foetus humain et ces figures humaines géométriques sommaires qui pourraient se multiplier à l'infini, qui ne sont pas encore distinctes les unes des autres. C'est la présence éternelle de l'homme dans la destinée du monde.'

Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, voûte et entrée (36)

'Ce chaos, c'est aussi tout l'inconnu qui demeure en l'homme, les lueurs d'intuition dans les ténèbres de la conscience.'

Dans la première travée de la voûte : l'apocalypse.
Vous découvrez des formes éclatées, des couleurs de cataclysme : 'ce sont les grands bouleversements, les fléaux naturels, les calamités engendrées par l'homme, les conflits intérieurs. L'enfer, c'est l'angoisse de vivre.'
Vous pouvez reconnaitre par endroit des silhouettes fondues dans le grouillement des laves. Des femmes en prière, aux fibres dénouées par l'angoisse.
Plus loin, l'harmonie, la mort paisible, le silence et le lent retour aux sources parmi les formes polies, rondes comme le temps.
La porte s'ouvre vers l'harmonie du cosmos en équilibre sur des girations innombrables, des couleurs gaies et claires dans le mouvement général d'où incessamment une forme sort d'une autre.

Dans les chapelles ; à droite le purgatoire : c'est le séjour où l'homme se cherche et s'efforce de se définir. Les couleurs sont moins franches, indécises, c'est une longue marche vers un aboutissement. Le purgatoire est un univers où la présence de l'homme se fait sentir en même temps que l'inconnu qui réside en lui.

Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, mur (36)                 Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, mur, signature

Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, mur, signature (36)

A gauche, le paradis, symbolisé par la joie.
Un homme, une femme dans le halo qui se détache au milieu des ténèbres. On les devine plus qu'on ne les voit. Ils symbolisent l'amour, la création, la rencontre de soi et de l'autre, l'apaisement. Ils sont la joie en ce sens qu'ils ouvrent à l'infini le champ du possible et sont ainsi la porte de la vie.

Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, mur

Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, voûte et entrée

Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, voûte, mur et choeur (36)            Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, voûte

Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, voûte

Ce qu'il faut seulement pour regarder cette œuvre, c'est aimer la vie sinon pour ce qu'elle est, du moins pour ce qu'il est possible d'en faire."

Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, voûte, détail

Le Menoux, église Notre-Dame, peintures, voûte, détail             Le Menoux, église Notre-Dame, fresque (36)

Jorge Carrasco passera huit ans à peindre, à titre bénévole, les 450m2 de murs et de plafond de l'église, de 1968 à 1976. Un big bang coloré ! Une vision cosmique de Dieu !

Le Menoux, église Notre-Dame, peinture sur le sol(36)
Traces de peinture sur le sol


Jorge Carrasco meurt le 25 juillet 2006 au Menoux, à l'âge de 87 ans.
Depuis sa mort, l'association les amis de Carrasco s'est donnée pour but de recenser, protéger et faire vivre l’œuvre de cet artiste. La maison du Menoux est devenue une véritable galerie d'art.
"Assemblées en ordre incertain, des centaines de toiles, sculptures en marbres de Carrare, granit noir de Suède, ivoire de Rhodes, lave rugueuse de Sicile… provoquent le toucher."BERRY PROVINCE

Des visites de l'église et de son atelier sont organisées. L'association œuvre également pour mettre en place des expositions un peu partout en France.

Malheureusement, suite aux mesures sanitaires, il est impossible d'aller visiter l'atelier de l'artiste. Fermé. Du coup, je ne me suis même pas rendu devant le jardin de la maison qui, pourtant, recèle d’œuvres visibles, en plein air.
Regardons ce petit reportage sympathique réalisé dans le jardin et la maison de Jorge Carrasco, en compagnie de sa fille Okllo.

Je reprends la route en direction de la Nièvre et dee Nevers, content d'avoir vu cette œuvre magnifique.

Et puisque aujourd'hui c'est la Saint Valentin, terminons avec cette citation.

"L'Art est amour. L'amour c'est la vie.
La vie, il faut la vivre et non la subir..."

                                                                           JORGE CARRASCO

 


Pour en savoir plus sur l'artiste : Un jour, j'ai rencontré Carrasco.

 

 

 

 

 

 

 


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