C'est en allant skier pour le dernier jour d'ouverture de la station de La Pierre-Saint-Martin que je me suis dit : "Il pleut, il pleut, d'accord, mais le réchauffement climatique ?". Cette question, de prime abord pas très bien formulée, allait pourtant m'emmener très loin, parfois jusque dans des lieux insoupçonnés, voire insoupçonnables ; même si je ne sais pas toujours ce que cela veut dire.
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...
Dimanche dernier, c'était le dernier jour pour aller skier à La Pierre-Saint-Martin.
Ni une ni deux ni trois, ni rien du tout, j'ai pris la voiture de bonne heure le matin en me demandant ce que pouvait bien faire Sheila à cette heure ci.
Parait-il que c'est une maladie qui s'appelle la Sheilactitérose, dont les symptômes se manifestent à plusieurs moments de la journée sous la forme de pensées subites et l'envie de savoir ce que la chanteuse Sheila fait à ce moment précis. Par exemple, il est 8 heures du matin, est-ce que Sheila est réveillée ? Il est Midi, est-ce que Sheila prépare à manger ? Il est 16 heures, est-ce qu'elle se fait un petit goûter ou est-ce qu'elle se fait tirer la peau ?
J'ai quitté Saint-Pée-sur-Nivelle et le magnifique lever de soleil sur le lac afin de prendre la direction de la station pyrénéenne.
On n'y pense pas assez au lever de soleil. On est toujours làà prendre des photos de couchers de soleil, à courir au ralenti sur une plage sous les rayons orangers d'une fin de journée ou encore à attendre main dans la main avec l'être chère la disparition provisoire de l'astre solaire là-bas sur l'horizon, mais jamais on ne pense à faire la même chose devant un beau lever de soleil marquant le début d'une nouvelle journée peut être remplie de rencontres, de mouvements, de découvertes et de musiques, bordel que cette phrase est longue c'est incroyable.
Je roule, je roule sous un ciel teinté de rouge,
de bleu, d'orange, de jaune et de noir.
Longeant l'Adour, puis traversant le Béarn, je roule, je roule alors que le jour naissant devient jour éternel... Mais qu'est-ce que je raconte, c'est pas possible !
Un regard dans le rétro pour constater que le printemps a fait bourgeonner quelques arbres le long des routes.
Soudain, je croise un panneau en bois placé au milieu d'un champ. La scène a des airs de western campagnard.
Difficile d'acheter ce champ car le numéro de téléphone est devenu illisible.
Toujours est-il qu'il m'a interpellé et que, maintenant, je prends la direction d'un petit village situé juste à côté. Il s'agit de Léren.
PETITE VISITE RAPIDE DE LÉREN
DEPUIS LA VOITURE
Arrêt de bus bio Arbre décoiffé
Bar de route Bienvenue chez Bébert
Je reprends la route sans vraiment l'avoir quittée pour parcourir encore quelques kilomètres et arriver à Sauveterre-de-Béarn. Charmante commune faite de pierres et de terres, elle domine le gave d'Oloron de façon élégante avec ses remparts, son pont de la légende et sa tour Monréal. Je marque un arrêt pour faire un peu de lèche-vitrine.
SAUVETERRE-DE-BEARN
Lèche-vitrine
Je n'oublies pas de passer sur le pont de la Légende pour me remémorer un de ces moments de l'histoire béarnaise passée.
En l'an 1170, la vicomtesse Sancie, l’infante Léofas, attend un héritier lorsque meurt son époux, Gaston V, vicomte de Béarn. Leur enfant nouveau-né, "difforme en tout son corps", à son tour est frappé par la mort. Des rumeurs sont alors avancées :"Elle a tué son fils en lui donnant le jour !".
Son frère, Sanche, roi de Navarre, estime que Sancie devra subir par l’eau le jugement de Dieu. Elle est conduite en robe blanche, devant trois mille personnes, sur le Pont Vieux de Sauveterre. Elle est jetée dans le gave pieds et poings liés. Elle regagne pourtant la berge opposée au pont : Sancie est bien vivante, Sancie est innocente !
C'est également ici que je retrouve Maître Arnaud. Eh oui, Maître Arnaud, fidèle co-pilote lors de ce périple européen incroyable baptisé"Kaliningrad Tour"... et dont je n'ai toujours pas fini le récit, merci. Un Maître Arnaud prêt à en découdre avec les pentes de La Pierre-Saint-Martin !
Allez :
dernière ligne droite à présent !
Rejoindre La Pierre-Saint-Martin
qui se trouve à 70 kilomètres d'ici.
1h30 plus tard, j'y suis. Il fait beau, il y a de la neige, peu de monde en ce dernier jour d'ouverture de la station pour la saison2017-2018. Nous louons les skis, nous prenons les forfait, nous allons nous chauffer les spatules sur la petite piste "Moonwalk" ; première et seule piste de ski au monde sur laquelle tu es obligé de descendre en marche arrière.
Mais pas que...
Nous montons rejoindre ensuite le pied du Soum Couy pour aborder ensuite LA piste de La Pierre-Saint-Martin : Le Boulevard des Pyrénées.
Vue sur l'Arlas depuis le Soum Couy
Le Pic d'Anie vue depuis le Bd des Pyrénées
C'est devant cette magnifique vue sur le Pic d'Anie, culminant à 2504 mètres très précisément, que nous décidons de faire une pause, accompagnée par une nouvelle bière.
De mon côté, je me suis posé et je me suis souvenu. Un peu comme Joe Dassin regardant les vagues dans son été indien, "Je regarde cette vague qui n'atteindra jamais la dune, Tu vois, comme elle je reviens en arrière, Comme elle je me couche sur le sable et je me souviens..." Bon, sauf que là, il n'y a pas de dune, ni de vague, ni de sable. Mais je me souviens, oui, je me souviens, là, allongé dans la neige fraîche et blanche... putain qu'elle est froide ! O0n ne peut pas inventer de la neige chaude ?! Ah, attention, ça se précise : montagne, neige, chaude, souvenir ! Oui, je me souviens de l'été dernier...
SYNOPSIS :Le soir du 4 juillet, jour de la fête nationale aux États-Unis, quatre adolescents fêtent leur entrée à l’université. Cependant, sur la route, ils renversent un homme. Paniqués, ils se débarrassent du corps de celui-ci, le croyant mort. Un an plus tard, Julie James reçoit une lettre dans laquelle il est écrit : "Je sais ce que tu as fait l'été dernier." Chacun des quatre amis va alors être confrontéà des événements terrifiants. Quelqu'un, manifestement, sait ce qui s'est produit cette fameuse nuit du 4 juillet. Quelqu'un prêt à tout pour assouvir sa terrible vengeance.
Hein ? Non, rien à voir.
Je me souviens l'été dernier lorsque, en famille, nous avions passé quelques jours en Haute-Savoie, du côté de Sallanches. Certes, nous étions allés visiter le musée Charlie Chaplin (Chaplin's World) et nous avions parcouru quelques sentiers à Cordon (Les Balcons du Mont Blanc). Mais nous nous étions également rendus à la Mer de Glace, juste au-dessus de Chamonix.
SOUVENONS-NOUS !
Parlez de la mer quand on est à la montagne, c'est pas banal ! C'est un peu comme un renard avec une perruque.
Nous sommes à présent en juillet 2017. Ce n'est pas si loin. Sallanches, Haute-Savoie, 14h30. En famille, nous décidons de nous rendre à la Mer de Glace.
Pour cela, dans un premier temps, il faut se rendre à Chamonix, puis à la gare du chemin de fer de Montenvers, située à la sortie nord de la ville.
Photo : Google map
De là, tu as le choix :
1) Tu prends un billet de train qui te coûtera la modique somme de 32,50 euros. Ah ben ouais, ben ouais, c'est cher !
Il y a quelques années, nous nous étions rendus à l'Aiguille du Midi par le téléphérique (Un tour dans les Alpes : l'Aiguille du Midi) et cela avait couté 61,50 euros pour un trajet de 20 minutes. Ce n'est plus La montagne, ça vous gagne. C'est plutôt La montagne, elle vous gagne. Tu te rends compte le nombre de Mojitos en terrasse du Bibam que l'on pourrait boire avec tout cet argent ?!
2) Si tu trouves le tarif trop cher et que tu es un peu sportif, tu peux te rendre à la Mer de Glaceà pied. Distance de 6,5 km avec un dénivelé de plus de 900 mètres, sans le moindre passage de plat, il te faudra compter 5 bonnes heures pour accéder à la gare de Montenvers, située, rappelons-le, à 1913 mètres d'altitude. Pour la descente, sois rassuré : ce la ne te prendra que 2h30 environ, à moins que tu ne chutes dès le départ pour rouler jusque dans la vallée (temps estimé alors à 58 minutes de descente non stop).
Nous avons opté pour la première possibilité, non pas que nous soyons fainéants, mais bel et bien parce qu'on a plein de pognon ! Oh putain, ça en est écoeurant ! Ohlalalala, impensable ! Eh oh j'déconne !
De là, nous sommes montés dans ce petit tortillard rouge à crémaillère. Il vibre, il dégage une odeur de graisse mêlée à quelques relents (Magdane) de diesel alors qu'il est électrifié.
Progressant dans la montagne à une vitesse moyenne de 14 à 20 km/h, profitons de ce moment pour parler un peu de cette construction.
À la fin du XIXème siècle, Chamonix s'impose comme lieu recherché d'excursions en montagne. La ville accueille 12 000 visiteurs en 1885, qui effectuent pour la plupart une excursion au lieu-dit le Montenvers, proposant un point de vue spectaculaire sur la Mer de Glace. Le trajet est effectuéà pied, à mulet ou en chaise à porteur, ce qui assure les revenus de 380 accompagnateurs et muletiers. En 1877, Charles Durier propose que le Montenvers soit équipé d’une ligne de chemin de fer.
Inauguré en totalité le 29 mai1909, le chemin de fer du Montenvers fut la première construction de la vallée, réalisée dans un but touristique. D'une longueur de 5,1 km, il faut quelques 20 minutes au train à crémaillère pour relier Chamonix-1042 à Montenvers-1913.
Le 25 août 1927, un accident tragique survient peu après le départ du Montenvers. Il semble que le mécanicien ait d'abord oublié d'inverser la marche de sa machine pour la descente. Lorsque, voulant rattraper son erreur, il réalise trop rapidement l'inversion, les roues dentées se soulèvent et provoquent le déraillage de la locomotive. Le train dérive sur quelques centaines de mètres et prend de la vitesse (jusqu'à 65 km/h), avant que la locomotive et la première voiture ne basculent dans le vide à la sortie du viaduc du Montenvers. L'accident fait vingt-deux morts et vingt-cinq blessés graves.
Mais pas de panique, nous sommes arrivés à bon port, ou plutôt à bonne gare. Gare du Montenvers. Le petit train rouge déverse sa flopée de touristes passagers.
Une ruée vers la terrasse panoramique, donnant sur la célèbre Mer de Glace, se met en place spontanément. Et il faut le dire : la vue est impressionnante.
La dernière fois que j'étais venu ici, c'était en août 1987, 15 jours avant que la passerelle menant la à la grotte de la Mer de Glace ne cède.
Le niveau de la mer... de la glace était beaucoup plus haut. C'est en cela aussi que le paysage est impressionnant. Le gris des graviers a largement pris le dessus sur la blancheur de la glace.
Au coeur du massif du Mont Blanc, la Mer de Glace déroule ses douze kilomètres de vagues neigeuses, figées au pied de l'Aiguille Verte et des Grands Montets. En réalité, ce fleuve gelé correspond à la langue terminale d'un système glaciaire qui englobe les glaciers de Leschaux et du Tacul, tous deux constituant les réceptacles d'autres glaciers et névés tombant des Grandes Jorasses, de l'aiguille du Géant, de la pinte Helbronner et du Mont Blanc.
DES CHIFFRES
La Mer de Glace est le plus grand glacier de France. Le massif du Mont Blanc en compte 101. Les Alpes exposent plus de 3300 km2 de glaciers.
2500 mètres de dénivelé avec départ à 3900 mètres d'altitude pour une arrivée à 1400 mètres.
Longueur maximale : 12 km (7 km de défilement). Largeur : de 700 à 1950 m. Épaisseur : 200 m. Superficie totale : 40 km2.
Véritable phénomène vivant, les glaciers ne cessent d'avancer et la Mer de Glace ne déroge pas à la règle. Sa vitesse d'écoulement est de 120 mètres par an dans sa partie supérieure et de 90 mètres par an dans sa limite inférieure.
La mer de Glace est la résultante de la rencontre de trois glaciers : Leschaux, le Tacul et le Talèfre.
Plus de 350 000 visiteurs se rendent chaque année au Montenvers pour contempler la Mer de Glace.
QU'EST-CE QU'UN GLACIER ?
"Un glacier est un stock d'eau solide qui se renouvelle en permanence par le jeu des précipitations et de la fonte estivale. Dans les Alpes, la limite des neiges éternelles -zone d'accumulation- se situe vers 2700 mètres en versant nord et 2900 mètres en versant sud. Vers 2700 mètres débute la zone d'ablation ou de fusion. La neige d'hiver disparaît au printemps, mettant à nu la glace qui fond tout au long de l'été.
Fonctionnant comme un fluide, la glace s'écoule sous l'effet de son poids. En profondeur et le long de ses rives, le glacier glisse plus lentement qu'en surface, freiné par le lit rocheux. C'est cette tension et les accidents de terrain qui provoquent l'ouverture de crevasses.
Enfin, lors d'une rupture de pente, l'accélération des vitesses morcelle le glacier en un chaos de séracs. Certains glaciers comme la Mer de Glace présentent la particularité de posséder des "moulins". Ce sont de gigantesques puits, creusés par les ruisseaux ou "bédières" qui recueillent l'eau de fonte en surface."PHILIPPE BONHEME, Alpes Magazine
UN PEU D'HISTOIRE
"Au début, personne n'aimait le Mont Blanc. Les Chamoniards, paysans pour la plupart, manquaient de place et de soleil pour leurs cultures, et les avalanches causaient de sérieux dommages à leurs récoltes et à leur bétail, parfois même à leurs proches.
Pendant des siècles, il ne s'est donc rien passé, ou presque, à Chamonix : le soleil avait ses règles et faisait chaque jour sa partie de saute-montagne pendant que le vent, infatigable, soufflait la neige. Le sommet du Mont Blanc était comme une étoile. Accroché au ciel et inaccessible, il alimentait les conversations apeurées de quelques autochtones qui l'imaginait peuplé de monstres redoutables." YVES BALLU, "Le mont Blanc, temple de l'alpinisme"
Au XVIIème siècle, le glacier, qui descend jusque dans la vallée Blanche et menace des habitations, est craint par la population. Il n'est connu que pour la terminaison de sa langue appelée Glacier des Bois, prenant fin au hameau du même nom ; l'actuel nom de Chamonix. Pendant cette période appelé petit âge glaciaire, des processions et exorcismes sont organisés afin de mettre fin à l'avancée du glacier des Bois qui menace les habitations de la vallée.
Toutefois, les glaciers savoyards éveillent la curiosité des chercheurs, randonneurs et autres experts ou bourgeois genevois.
Son nom actuel lui est attribué en 1741 par William Windham lors de l'exploration qu'il mène avec son compatriote britannique Richard Pococke. La région a encore une réputation de sauvagerie et le glacier est encore mal connu. À la vue du glacier, Windham tente une description : "Il faut s'imaginer un lac agité d'une grosse bise et gelé d'un coup". C'est ainsi qu'est baptisée la Mer de Glace. Avant cette date, les habitants ne connaissaient que la terminaison du glacier à hauteur du hameau des Bois (maintenant appelé Chamonix).
En 1760, le naturaliste suisse Horace-Bénédict de Saussure se rend une première fois à Chamonix pour observer le massif du Mont-Blanc. Depuis le Montenvers, il se dit saisi d'"admiration et de terreur". De son point de vue, la Mer de Glace est figée "non pas dans le moment de la tempête, mais à l'instant où le vent s'est calmé et où les vagues, quoique très hautes, sont émoussées et arrondies". Il se concentrera d'avantage sur l'ascension et l'observation du Mont Blanc, demandant à l'écrivain et artiste suisse Marc-Théodore Bourrit de faire connaître le glacier. Ainsi, en 1775, une trentaine de personnes se rend chaque jour aux abords du glacier ; elles sont 1 500 au cours de l'été 1783. En 1820, le guide Marie Couttet, dit "Moutelet", décide d'aménager seul le haut du sentier. Après un an et demi de travaux, le Montenvers est rendu accessible à tous.
En 1798, un refuge est construit à hauteur du Montenvers sous l'impulsion de Bourrit. Baptisé"Temple de la Nature", il doit son nom à sa forme octogonale et à l'inscription sur son fronton : "à la nature par un ami de la liberté". En plus de lits et d'une table, il comporte un miroir, une cheminée et un livre d'or. Il est considéré comme l'ancêtre des refuges de montagne.
De là, plusieurs personnalités viendront contempler cette merveille naturelle. Chateaubriand, Goethe, Joséphine de Bauharnais, Marie-Louise d'Autriche, Charles Nodier, Victor Hugo, Alexandre Dumas (pris par le mal de mer), Lamartine, Théophile Gautier, George Sand, Franz Liszt,...
On raconte que c'est ici que Maria Shelley, trop violemment impressionnée, fit, la nuit suivant son excurcion, un horrible cauchemar qui lui inspirera son roman Frankenstein ou le Prométhée moderne. C'est d'ailleurs à la Mer de Glace, au chapitre IX du roman publié en 1818, que Victor rencontre pour la première fois le monstre à qui il a donné vie deux ans auparavant. Lors de leur deuxième rencontre, toujours à la Mer de Glace, il se voit demander par le monstre de lui créer une compagne, celui-ci promettant de disparaître à tout jamais avec elle vers des contrées inhabitées, à la limite du monde. Comprenant que sa créature est condamnée à la solitude, il accepte.
Devant l'engoument que suscite le lieu, la commune fait alors construire une auberge, l'auberge du Montenvers, à côté du Temple de la Nature, avec quatre chambres, une cuisine, une salle à manger et une cave. Charles Dickens, Louis Pasteur, Napoléon III et sa femme Eugénie, Alphonse Daudet y séjourneront.
Puis, de 1877 à 1880 est bâti le grand Hôtel du Montenvers. Trois étages et une terrasse face aux Drus à l'est. L'intérieur est couvert de lambris en mélèze avec des salons de détente, le premier étage comporte une vingtaine de chambres pour la clientèle de luxe alors qu'au second se trouvent des chambres et dortoirs pour les alpinistes et les guides.
Aujourd'hui, le belvédère du Montenvers n'attire plus seulement les alpinistes et autres randonneurs. Ce sont plus de 10 000 personnes, les jours de grosse affluence, qui viennent arpenter les lieux apprivoisés, allant du petit musée de la Montagne à la grotte de la Mer de Glace en passant par les bars à terrasses panoramiques. Presqu'impassible, la Mer de Glace exhibe sa courbe chaque année plus grisonnante, disparaissante sous les rayons du soleil, dominée par l'Aiguille du Tacul, devant la muraille nord des Grandes Jorasses.
MER DE GLACE ET RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
"Aujourd'hui, pour la première fois dans l'histoire de notre planète, l'activité humaine provoque dans l'atmosphère des changements de teneur en gaz carbonique et autres gaz à effet de serre, comme le dioxyde de carbone ou le méthane."LOUIS REYNAUD, glaciologue
Ainsi, les rejets gazeux de l'agriculture, de l'industrie, de l'automobile et des chauffages domestiques contribueraient au réchauffement global du climat : entre 0,5° et 1° depuis 1860. Ce phénomène serait en grande partie à l'origine du retrait des glaciers.
La Mer de glace ne connaît plus les grandes marées.
Depuis 1820, le glacier est en phase générale de recul. Il fait suite à une importante avancée, appelée "petit âge glaciaire", situé entre 1600 et 1800. Les glaciers firent alors brusquement irruption dans les vallées alpines, ruinant des pâturages, détruisant des chalets ou des hameaux d'altitude. Ce fut le cas à Chamonix. Certains Chamoniards se plaignirent auprès du percepteur pendant que d'autres allèrent jusqu'à invoquer la protection divine. Ils demandèrent même à l'évêque de Genève d'exorciser ces montagnes de glace.
Mais à partir de 1820, ce petit âge glaciaire est terminé. Entre 1820 et 1842, la Mer de Glace avait déjà perdu 370 mètres ! Les premières mesures réalisées par Jospeh Vallot en 1870 sur les variations glaciaires de la Mer de Glace l'attestent.
En 1986, Janot Lamberton, spéléologue, et Jean-Marc Boivin, spécialiste de l'alpinisme glaciaire, établissent un record du monde en descendant à -110 mètres au fond d'un moulin de la Mer de Glace. Ils ont alors la révélation d'un univers inconnu, magique. Janot Lamberton raconte sa "jubilation" devant le monde "bleu-blanc de glace, sa féerie, ses jeux de lumière, ses reflets, ses sculptures éphémères"... Ils ont la surprise d'une puanteur insupportable due à la décomposition des déchets organiques.
Au début des années 2000, le glacier perd en moyenne, chaque année, de quatre à six mètres d'épaisseur et une trentaine de mètres en longueur. Entre 1905 et 2005, la Mer de Glace a perdu 120 mètres d'épaisseur. Depuis 1830 (époque pré-industrielle), elle a perdu 2,5 kilomètres de longueur et plus de 150 mètres d'épaisseur.
Visuellement, en 1870, le glacier franchissait le verrou des Mottets pour s'écouler jusqu'au village des Bois, à 1080 mètres d'altitude. Aujourd'hui, le front a reculé de 4 km pour remonter à 1500 mètres.
Pourtant, Louis Reynaud remarque que "le retrait des glaciers se situe dans la logique de l'épisode interglaciaire plus sec et plus chaud que nous vivons depuis 15 000 ans. L'homme doit d'autant plus s'habituer à cette éventualité qu'il contribue activement au réchauffement de la planète. Ce n'est pas pour cela que les glaciers disparaîtront. Bien au contraire ! L'augmentation des températures risque de générer une plus forte évaporation des océans et donc des précipitations accrues. D'avantage alimentés en neige, les glaciers pourraient alors grandir à nouveau."
Extension de la Mer de Glace en 1644 (vert), 1821 (rouge) et 1895 (orange).
Photo : S. Nussbaumer / Sciences et avenir
Carte postale datant de je-ne-sais-pas et photo de 2017
Un petit regard vers le bas nous permet d'apercevoir la grotte de glace et le long escalier-rambarde qui y mène.
C'est cette construction qui s'était malheureusement écroulée en 1987, provoquant la mort de deux personnes et d'une trentaine de blessés.
Aujourd'hui, l'escalier compte 420 marches, descendant toujours plus profondément dans le lit du glacier. Il est à lui seul le témoin de l'incroyable fonte de la Mer de Glace.
Nous entamons la descente vers la grotte.
Pour cela, il faut, dans un premier temps, emprunter un petit sentier sur la droite de la terrasse du restaurant. Mais tu peux également choisir de descendre en télécabine. Le sentier file le long de la pente, croisant parfois quelques arbres, avec en ligne de mire la langue glaciaire.
Les premiers panneaux témoignant de la fonte du glacier apparaissent...
Un peu plus bas, nous rejoignons la gare d'arrivée du télécabine. C'est là que débute la longue rambarde et l'escalier menant à la grotte, en s'appuyant sur la falaise de granite.Il y a beaucoup de monde, de différents pays, de différentes religions.
En tongs, voilées, sandales à chaussettes, qui parlent fort avec les mains, bindi sur le front, perches à selfies,... Plusieurs langues, différents accents. Pour un peu, on pourrait penser se trouver au centre de la Terre face à cette Mer de Glace disparaissant.
Sur la rambarde, les panneaux temporels se succèdent et se font plus nombreux pour montrer l'accélération de la fonte dans les années 2000.
C'est impressionnant. Difficile de réaliser comment cette masse de glace ait pu descendre aussi vite ! Elle semble si forte, si attachée à la roche et à la vallée.
La fonte s'est accélérée dans les années 2000. Après le dernier panneau, celui de l'année 2010, il faut encore descendre 70 marches avant de poser le pied sur la glace et entrer dans la grotte.
Nous sommes au pied du glacier. Nous pouvons le toucher. Mais lorsque nous regardons autour, c'est un paysage de désolation, hanté par le gris des rochers et de la poussière granitique.
Cette grotte vient d'une idée de Georges Claret, en 1946. Inspiré par celle qui existait depuis 1865 au glacier des Bossons et finalement abandonnée en 1994, il creuse à la pioche avec Charles Simond une galerie de cinquante mètres de longueur environ. Avec l'avancée du glacier, ils ramifient la grotte au fur et à mesure et créent des salles. Rejoints par un troisième homme, Roger Charles, ils établissent une version définitive en 1953, présentant des sculptures et un mobilier de glace à vingt mètres sous la surface. La grotte connaît un tel succès que, très vite, il faut penser à une solution pour acheminer les touristes. Un téléphérique de 350 mètres est installé en 1960. Il ne cessera d'évoluer et d'augmenter sa capacitéà transporter des voyageurs au fil des décennies.
Le bleu est presque fluorescent. 40 mètres de glace se trouvent au-dessus de nos têtes et la température est de 0°.
Nous ressortons de la grotte qui ruisselle. Peu d'animations et de sculptures à l'intérieur ; peut être parce qu'il est prévu de la déménager d'ici quelques années.
Nous reprenons la rambarde, puis le sentier ; pendant que les femmes préfèrent se jeter dans le télécabine.
Une fois de retour sur la plate-forme du Montenvers, nous lançons quelques derniers regards sur le paysage environnant.
En hiver, la Mer de Glace se parcourt à ski en partant du sommet du téléphérique de l'aiguille du Midi et après avoir traversé la vallée Blanche. Si l'enneigement est suffisant, les skieurs arrivant sur le glacier rejoignent le rocher des Mottets qui donne accès à une piste assurant la jonction avec Chamonix.
Pour le moment, face à cette mer grise, nous nous demandons dans quel état nous la retrouverons la prochaine fois que nous reviendrons... La retrouverons-nous d'ailleurs...
Nous reprenons le petit train rouge pour redescendre sur Chamonix. Puis nous allons boire quelques bières avec vue sur le Mont Blanc.
Et puis... retour sur les pistes enneigées de La Pierre-Saint-Martin pour faire la dernière descente de l'année.