Dans notre précédent épisode, Jénorme avait décidé de profiter de l'augmentation du pétrole pour prendre la voiture afin de rouler sur la D936, reliant dans sa totalité Saint-Pierre-d'Irube à Oloron-Sainte-Marie, du Pays Basque au Béarn, de l'océan aux montagnes, sur une distance de 93 kilomètres.
De petits villages aux grands horizons, il croisa-rencontra-découvra Histoire, histoires, monuments, paysages...
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...
Dans notre épisode précédent, nous avons roulé de Saint-Pierre-d'Irube -point de départ ouest de la D936- à Sauveterre-en-Béarn -marquant l'entrée dans le Béarn.
Avant cela, nous avons vu des paysages, traversé des villages, rencontré des monuments et des histoires.
Aaaah oui, Sauveterre-de-Béarn. Très belle ville avec son Gave d'Oloron, son église Saint-André, son île de la Glère, sa tour Monréal, son pont de la Légende,...
La RD936 n' y passe pas vraiment. Elle poursuit son bonhomme d'asphalte en la contournant par le sud. Juste le temps d'apercevoir au loin la façade de l'Auberge du Saumon car, oui, maintenant, nous entrons dans le Béarn, mais également dans le pays du saumon. Et déjà, on peut se poser une question : pourquoi plus ici qu'ailleurs ?
Pour le savoir et le comprendre, reportons-nous sur le site de la ville de Navarrenx avec ce bref résumé de la vie du saumon.
"Le Saumon Atlantique présent dans nos gaves (notamment celui d'Oloron) appartient à l'espèce : SALMO SALAR. C'est un poisson migrateur qui se déplace des eaux salines vers les eaux douces pour se reproduire (amphihalin).
Au cours d'une année, trois contingents de saumons remontent le gave successivement.
- D'octobre à Février remonte le Saumon d'hiver : C'est le plus gros, entre 8 et 15kg environ. Il fraiera en décembre de l'année suivante et reste donc de 12 à 14 mois en eau douce. Il passe entre 3 et 4 ans dans l'océan.
- De mars à Mai remonte le Saumon de Printemps : entre 5 et 10kg, il reste en rivière entre 8 et 10 mois ; en mer 2 à 3 ans.
- Fin mai - juin : le Madeleineau ou saumon d'été, entre 2 et 4kg. Il reste en eau douce 5 à 6 mois et passe 3 ans en mer.
Pour se reproduire, les saumons remontent le cours de la rivière, le plus haut possible, et fréquentent les mêmes endroits du lit appelés : Frayères. Le plus grand nombre de frayères se situe dans le gave d'Oloron entre Navarrenx et Oloron.
Le retour dans la rivière, où est né le saumon, est dénommé HOMING par les anglo-saxons (retour à la maison …).
Sur les frayères, les femelles déposent leurs œufs que fécondent les males, lorsque les œufs éclosent, les juvéniles appelés Tacons ou Tocans naissent. Lorsqu'ils atteignent environ 20cm, au bout de 2 ans, ils sont dénommés Smolts.
Ils descendent ensuite le courant en direction de l'estuaire et de l'océan. C'est la dévalaison.
Alors commence le long périple dans l'océan vers le Groenland et les iles Féroé. Là le saumon s'engraissera grâce au plancton et aux crevettes, pour atteindre sa taille et son poids d'adulte ...
Puis le cycle recommence !!" VILLE DE NAVARRENX
Je passe les deux ronds-points successifs de Sauveterre-de-Bearn, posés sur la RD936.
Juste avant, il y a également une sorte d'épicerie-bar multiservices sur le bord de la route, proposant poulets, légumes, boissons, huitres,... Cela me fait penser au Barbu's de Sébastien Cherrier à Jussy-le-Chaudrier, dans le Cher. Sébastien a aménagé un bus en bar, posé sur un des parking du village. Il propose également de services de proximité, comme le pain et une mini-épicerie avec des essentiels, comme les pâtes, conserves de légumes. Autour du Barbu's, parfois, d'autres food-truck et producteurs locaux viennent s'installer le temps d'une soirée. Une magnifique itiniative pour donner de la vie dans les villages.
Ce bar-épicerie-services de bord de route à Sauveterre-de-Béarn me fait penser également, et à contrario, au reportage que j'ai vu sur les épiceries sans vendeur en Vendée.
Sources : Ici, par France Bleu
Là, tu te dis : "On a atteint le fond. L'humain s'auto extermine."
Mais non. Attends ! On peut faire encore mieux avec...
Sources : 20 minutes
Oui, oui. Une voiture autonome pour venir te livrer tes courses chez toi.
Eh bien Carrefour n'aura plus qu'à inventer ses clients car moi, avec des initiatives de merde pareilles où l'humain est remplacé par la machine, je n'irai plus.
Rassurons-nous, il existe encore quelques belles initiatives où certaines personnes créent des services de proximité avec des gens de proximité pour de vraies personnes.
C'est le cas avec ces deux sœurs qui ont monté ce système de drive 100% local.
BREF : Revenons sur la D936.
Passé Sauveterre, une belle route, large et propre, offre à présent une magnifique vue panoramique sur les premières montagnes pyrénéennes, là où s'ouvrent les vallées d'Aspe et d'Ossau. On distingue aussi très facilement le sommet caractéristique du Pic d'Anie, dominant l'étendue karstique de La Pierre-Saint-Martin.
Hein ? Une photo ? Ouais ben... J'en avais fait une, mais il y a très longtemps et c'était au lever du jour en octobre.
Voilà. On ne voit pas très bien la chaine pyrénéenne sur cette photo limite esprit David Hamilton. Du coup, je suis retourné sur la route un peu plus tard, pour faire celles-ci...
De prime abord, on ne voit pas bien la chaine pyrénéenne,
mais si je surligne les montagnes...
Hein ? Eh, oh, on voit mieux là, hein ?!
La route défile avec ces champs, ces montagnes lointaines. Le Gave d'Oloron suit également le tracé de la route, mais on ne le voit pas. Il est bien caché dans son lit, bordé d'arbres. Je traverse ou passe à proximité de quelques petits villages et lieux-dits, comme Barraute-Camu que la D936 traverse le temps d'apercevoir le bar-restaurant "Le relais du gave" en bord de route.
Par contre, je ne passe pas par Laàs qui se trouve sur une autre route, de l'autre côté du gave.
Nous avons déjà parlé de Laàs à plusieurs reprises sur ce blog (ex : Et si on passait par Laàs au mois d'août). En voilà un village insolite et quelque peu surréaliste. Il s'est lui même auto-érigé principauté en 2014. Et nous pourrions parlé du Laàs Vegas Boulevard, du poste de douane, de son centre du monde, de la course de brouettes, du château des énigmes,...
A Laàs, il y a également un beau panorama sur les Pyrénées.
On les voit même très bien depuis la route D27, qui relie Carresse à Ledeuix.
Mais ça, c'est une autre route
et donc une autre histoire.
Nous ne passons pas par Laàs puisque la D936 n'y passe pas.
Nous poursuivons notre route. Quelques virages, de la verdure, une ligne droite, des champs de maïs. Là-bas, sur la droite, le village d'Araujuzon. Un peu après, c'est Araux où je m'en vais faire un petit tour, histoire de voir si il n'y aurait pas un bar.
Je tourne un peu. Des maisons, une école, un fronton, une église, des ponts, deux lavoirs, mais pas de bar.
Ah tiens,
qu'est-ce que je vois ?
Ah ben oui,
une cabine téléphonique.
Il est content Jénorme. Ohla qu'il est content ?! Alors qu'il y a encore quelques décennies il s'en foutait des cabines téléphoniques.
Aujourd'hui, il se sent tout chose quand il en voit une.
Mais pourquoi ?
Dans les années 1990, il y avait encore quelques 300 000 cabines comme celle-ci en France. Petit à petit, le réseau de téléphonie portable s'est développé et les cabines ont disparu. Mais où ? Et comment ?
Avant de répondre à ces questions ô combien oppressantes, intéressons-nous aux origines de cet objet autrefois quotidien et aujourd'hui vintage... Hein, ouais, c'est ça, vintage, ouais.
La première véritable cabine téléphonique est apparue en France le 15 août 1881 lors de l'Exposition Internationale d'Electricité. En fait, la Société des Téléphones avait eu l'idée d'isoler leurs trente téléphones dans des guérites en chêne capitonnées. Ni plus, ni moins.
Mais c'est le 1er avril 1883 que les premières cabines téléphoniques sont mises en service dans le réseau de téléphonie publique de la ville de Reims. Mais à titre purement expérimental. Les années suivantes, ces cabines sont installées à Lille, Roubaix et Tourcoing.
Mais c'est à l'américain William Gray que l'on doit l'invention de la cabine téléphonique à pièces. Il en dépose le brevet en août 1889, puis fondera la Gray Telephone Pay Station Company pour exploiter celle-ci à partir de 1891.
En fait, ce n'est qu'à partir des années 1950, et plus précisément à partir de 1975 (t'as qu'à voir comme cela a été long) avec l'opération "Plan 100 000 cabines" que l'on voit apparaitre "en masse" les cabines téléphoniques sur le sol français. D'abord à pièces, elle ssont victimes de vandalisme. Ce n'est que plus tard qu'elles pourront être utilisées avec une carte.
À l'apogée de ce service, au tournant 1997-1998, ce sont 241 000 cabines qui sont en place. Mais la fin du siècle marque aussi la fin des cabines avec l'arrivée de la téléphonie portable et le développement de l'accès à internet.
Les cabines disparaissent alors peu à peu du paysage. Aujourd'hui, en 2022, il n'en resterait plus qu'une dizaine (14 exactement) en service sur le territoire, en des lieux où le réseau de téléphonie mobile n'est pas encore effectif. 96 sont encore présentes sans fonctionner.
D'autres cabines téléphoniques ont été transformées : en bourse aux livres, en accueil pour défibrillateur, en aquarium (à Nantes, en 2016, pour une œuvre d'art éphémère, "A l'eau"), en mini-restaurant (comme c'est le cas à Londres avec le plus petit restaurant à emporter du monde) ou encore comme le lieu possible de conversation avec les morts (ça, c'est au Japon).
"Initiative singulière et insolite pour aider au deuil et à la mémoire, à Ōtsuchi, une cabine reliée à rien et appelée sur place « la cabine du vent » ou le « le téléphone du vent » a été maintenue pour parler aux morts."
Suivant les pays, elles ont leur propres architectures : en verre, en bois, colorées, plastique, formes variées, londonnienne, suédoise, chinoise, australienne,...
Et puis, la cabine téléphonique, ce sont aussi des films. Citons en vrac Ascenseur pour l'échafaud, Les oiseaux, L'inspecteur Harry, La Bamba, le Blob, Dumb and Dumber, Une journée en enfer, Matrix, Phone game (dont toute l'action du film se passe dans une cabine), Dikkenek, OSS 117, le fabuleux destin d'Amélie Poulain, et, bien sûr, la mémorable scène d'ouverture du film de Philippe de Broca "Le magnifique".
Et puisque nous parlons de téléphone tout ça, savais-tu que le premier central téléphonique du monde avait été montéà Budapest par l'ingénieur Tivadar Puskás, collègue de Thomas Edison. Lors du premier test de la ligne en avril 1877, il avait alors demandéà son interlocuteur "Hallod ?", un mot hongrois signifiant "Tu m’entends ?". L'interlocuteur a alors répondu "Hallom", soit "Je t'entends" avant d'ajouter "Hallo" (= J'écoute).
Depuis, "Hallom" est devenu "Allô" pour une grande partie du monde.
Bon eh, oh. reprenons la route... pour la traverser et aller faire une pause à Viellenave-de-Navarrenx.
Petit village bien tranquille. Une charmante église discrète au clocher trinitaire, un pont vertigineux enjambant le gave d'Oloron (qui devrait être détruit très prochainement), les couleurs de l'automne sur les murs des maisons, un champ coloré de fleurs, des volets bleus, un ciel orageux, la rosé sur les toiles d'araignée et un bar-restaurant associatif qui vient d'ouvrir...
La D936 traverse Viellenave-de-Navarrenx en silence. J'aime ce genre de village traversé par des routes passagères, qui ne payent de prime abord pas de mine... tant que l'on ne s'attarde pas dans leur centre pour y découvrir des petits secrets bien gardés par les quelques habitants présents.
La départementale file maintenant
vers une ville plus grande...
Il est des lumières soudaines, magnifiques. Contre-jour, un arbre, des lignes, des nuages. On ne distingue plus les montagnes pyrénéennes au loin.
J'arrive à Navarrenx.
Le panneau touristique situé avant l'entrée en ville annonce la couleur : "Navarrenx, cité bastionnée, capitale mondiale de la pêche au saumon". Et cela est illustré par les deux ronds-points principaux, à la suite de ce panneau.
Impressionnant rond-point avec ce pêcheur de saumon. Et je m' y connais en rond-point !
Réalisé par l'artiste Marc Benard, ce pêcheur de saumon en inox mesure cinq mètres de haut avec une canne à pêche de dix mètres de long. Plus de chiffres ? Fastoche !
"- Trois cents kilos d'acier inoxydable totalement inaltérable à l'air, à l'eau comme aux acides,
- Soixante mètres carrés de surface d'inox en 6 et 8 dixièmes d'épaisseur ; le tout travaillé par martelage à froid et soudé par points pour éviter les déformations avec une armature intérieure et des zones de chauffe par endroits pour donner de la couleur....
- Cinq mois de travail
- Stabilisée par un coulage de béton arméà l'intérieur du pêcheur, jusqu'au niveau de la ceinture.
C'est l'œuvre la plus impressionnante réalisée par l'artiste salisien." LE CAMI
Sortons un peu de la RD936 pour approcher la cité bastionnée.
Il est vrai que de prime abord, en passant le pont de Navarrenx, on ne voit que ça : les remparts.
Bon, sur la photo ci-dessus, on voit surtout le bac à fleurs, mais sinon ce sont plutôt les remparts qui dominent, comme si la ville avait été aspirée. Enveloppée, disons plutôt.
Rapprochons-nous.
Mais Navarrenx, ce ne sont pas que des remparts. Une fois passé ces hauts murs érigés à partir de 1538 suivant les plans de l'architecte italien Fabricio Siciliano, on entre dans le centre ville avec ses nombreux commerces, son église, sa fontaine militaire, sa statue en osier...
Mais tout ceci, nous en parlerons dans un prochain billet.
En étant à Navarrenx, j'aurais pu continuer plus à l'Est par la D111 pour me rendre à Ogenne-Camptort.
Hein ? Ben ouais. Pourquoi pas ? Surtout si on veut découvrir encore un peu ce Béarn insolite. Car, à Ogenne-Camptort, petit village discret situé sur une crète, il y a un de ces monuments géniaux dont le Béarn est friand... J'aime pas ce mot "friand", ça me fait penser à ce machin à la viande avec de la pâte autour.
BREF : à Ogenne-Camptort, certes, il y a une église et une mairie, mais aussi une table d'orientation.
Ah merde, attends,
on voit pas bien.
Mais qu'est-ce donc que cette "chose" magnifique, posée là au milieu de nulle part ?
Reportage.
Et il ets vrai que de ces hauteurs ogennoises-camptoises... je sais pas comment on dit... ogennaise-camptaises... Hein ? "Ogennois et Camptoriens". Ah d'accord... De quoi je parlais au départ ?
Ah oui, de ces hauteurs Ogennoises et Camptoriennes, on a un superbe panorama sur la chaine pyrénéenne... encore... et sur le pays basque au loin.
Mais on le rappelle : ici, pour ce billet, nous suivons toujours la fameuse RD936.
DONC ON SE RECONCENTRE !
Je quitte Navarrenx en passant par...
...puis par...
...où les habitants/tes ne s'appellent pas les Susseurs/seuses,
mais bel et bien les Sussois/ses.
De la route, on peut apercevoir, à un m'ment donné, une sorte de grande pagode en bois. Non, ce n'est pas un hôtel original, ni une auberge nouvelle génération pour bobos, mais bel et bien du lieu d'habitation de la secte communautaire Tabitha's Place ; groupe fondé en 1972, dans la mouvance hippie qui rejetait la société de consommation.
Bref, passons.
Il ne faut faire que quelques kilomètres pour que l'attention de l'automobiliste soit retenue par un autre panneau.
"Camp de Gurs". Quand on ne connait pas la région, mais que l'on a quelques connaissances en histoire, ce mot "camp" rappelle de mauvais souvenirs.
C'est un peu plus loin, à la sortie sud de la commune que l'on découvre le mémorial.
Le camp de Gurs était un camp de concentration, l'un des plus vastes que la France ait connu. Cinq kilomètres de long pour 500 mètres de large, soient 28 hectares de superficie. 13 îlots avec presque 30 baraquements chacun, soient 382 baraquements. Chaque baraquement pouvait recevoir jusqu'à 60 prisonniers, soient 22920 prisonniers.
Le camp de Gurs a servi de lieu d'internement du 2 avril 1939 au 31 décembre 1945.
"Quatre groupes principaux d’internés s’y sont succédés, sans jamais véritablement s’y rencontrer.
1- du 2 avril 1939 au 10 mai 1940 : les Républicains espagnols et les volontaires des Brigades internationales. Au total, 27 350 personnes, exclusivement des hommes.
2- du 10 mai 1940 au 1er septembre 1940 : des "indésirables", essentiellement des femmes originaires d’Allemagne et des pays appartenant au Reich. À leurs côtés, quelques centaines d’hommes internés pour délits d’opinion (communistes, Basques espagnols, etc...). Au total, 14 795 hommes et femmes.
3- du 1er septembre 1940 au 25 août 1944 : les Juifs étrangers. Au total, 18 185 hommes, femmes et enfants internés en raison de l’antisémitisme d’état pratiqué par le régime de Vichy. Ils seront systématiquement déportés vers Auschwitz et exterminés à partir de 1942.
4- du 25 août 1944 au 31 décembre 1945 : les "collabos" et quelques centaines d’antifranquistes espagnols. Au total, 3 370 personnes, exclusivement des hommes."CAMP DE GURS
La nourriture était rare et de mauvaise qualité ; il n’y avait pas de sanitaires, d’eau courante, ni d’hygiène, dans les baraques. Toutefois... L’ambiance était radicalement différente de celle des camps de concentration et il n’y eut ni exécution ni sadisme de la part des gardes.
"Fuir du camp n’était pas difficile : les clôtures n’étaient pas très solides et la surveillance n’était pas très sévère. Mais mal vêtues, sans argent ni connaissance de la langue du pays, les personnes qui fuyaient étaient vite rattrapées et renvoyées au camp. À leur retour, elles étaient internées dans un îlot surnommé l’îlot des « révoltés ». En cas de récidive, elles étaient envoyées dans un autre camp. Mais lorsqu’une aide extérieure était possible, la fuite, en Espagne ou dans une cache sur le sol français, pouvait réussir. Ils furent 755 dans ce cas." WIKIPEDIA
Environ 64 000 personnes y ont été internées, et 1 072 y sont mortes.
Ces victimes reposent dans le cimetière de la commune, spécialement aménagé pour elles.
Je quitte le cimetière, puis le mémorial, puis Gurs pour reprendre la route.
La D936 contourne quelques petits villages, comme Saint-Goin, Géronce, Orin ou encore...
Comme un rappel après l'horreur de Gurs : "Faites Moumour, pas la guerre."
Maintenant, fini la campagne. Les garages, les casernes, les lotissements ont pris la place des champs déserts. La D936 arrive à Oloron-Sainte-Marie.
Les deux grandes maisons fermées sur le côté gauche de la route annoncent l'entrée dans la ville.
OLORON-SAINTE-MARIE
Aulouroû en béarnais. Lieu de confluence du gave d'Aspe et du gave d'Ossau pour donner naissance au gave d'Oloron que nous avons longé pendant plusieurs kilomètres.
Oloron, capitale du béret. Eh oui, originaire du Béarn, le béret de laine servait aux bergers des montagnes à se protéger du froid. Je m'attendais d'ailleurs à voir un gigantesque béret sur un rond-point... mais non.
La seule décoration sur rond-point que j'ai vu, c'est celle-ci, à la sortie sud de la ville quand on prend la direction de la vallée d'Aspe.
Force est de constater que ce n'est pas un béret. mais qu'est-ce donc alors et pourquoi ?
Eh bien, il s'agit d'un train d'atterrissage. Eh ouais. Indice : ce rond-point s'appelle le rond-point Messier. Ouais, ok, c'est bien. Mais Messier, c'est quoi, c'est qui ?
Eh bien, Messier, Georges de son prénom, est-était un inventeur français spécialisé dans les suspensions oléopneumatiques. C'set même lui qui a inventé ce procédé en 1925. Ouais Ok, d'accord. C'est quoi les suspensions machin, là ?
Alors, c'est pas compliqué.
Imagine, tu es en 1924, t'as une bagnole sans suspension. Tu roules et là PAF ! tu te prends un nid de poule et HOP ! t'as plus de bagnole, t'as plus de coxis, de vertèbres etc etc.
Eh ben, Georges Messier -né le 23 avril 1896 à Monts, Indre-et-Loire - se dit : "Eh oh, ça va bien les conneries. Je vais installer la suspension oléopneumatique sur ma voiture 'sans ressort' afin d'absorber les chocs."
Et voilà ! Entre 1925 et 1931, il effectue la livraison de 150 voitures de sa marque : les "Messier sans ressort". Il a ensuite reproduit le système sur les avions via les trains d'atterrissage -même si il était plus difficile de se prendre un nid de poule en avion. Peut être aurait-il du porter son invention sur les chevaux puisqu'il décèdera le 23 janvier 1933 d'une chute de cheval.
Il est des fois des décès plus ou moins paradoxaux. A chaque fois, je pense à Patrick Edlinger qui, après avoir escaladéà mains nues des parois rocheuses incroyables, est décédé lors d'une chute dans l'escalier de sa demeure à La Palud-sur-Verdon.
BREF : après s'être appelée SFMA, puis Messier, puis Messier-Hispano, puis Messier-Hispano-Bugatti, puis Messier-Bugatti, puis Messier-Dowty, puis Messier-Bugatti-Dowty, l'entreprise se trouve à Oloron-Sainte-Marie et porte à présent le nom de Safran Landing Systems. On a perdu Messier en chemin.
Et là, tu me dis : "OK, mais Oloron-Sainte-Marie, c'est que des trains d'atterrissage ou y'a autre chose ?"
Eh bien oui. Oloron, ville active. Après les trains d'atterrissage, au nord de la ville, on ne peut louper l'autre secteur d'activités intenses. Il s'agit des usines Lindt.
Ici, pas de train d'atterrissage ou de suspension oléopneumatiques. Ici, chez Lindt, c'est le chocolat.
Mais pourquoi Lindt-et-Sprüngli est-il venu s'installer à Oloron-Saint-eMarie alors qu'à l'origine ce chocolat est suisse ?
Aaaaaah, ça, c'est une bonne question.
En fait, avant que Lindt ne s'installe ici, il y avait déjà une chocolaterie. Celle créée par Maurice Rozan de Mazilly. Une vie, une histoire incroyable.
"Maurice Rozan de Mazilly est né en 1893, à Rouen. Sa famille était pauvre, son père décédé alors qu’il n’avait que 13 ans. Il décide de quitter le lycée pour alléger sa mère, en charge de ses cinq enfants, et parti en tant que mousse sur des voiliers. Il sera notamment l’une des dernières personnes à franchir le Cap Horn ! En 1914, il s’engage volontairement dans l’armée pour combattre l’ennemi. Il en reviendra avec le visage arraché : c’est une « gueule cassée », et il passera deux ans à l’Hôpital du Val de Grâce, subissant une vingtaine d’opérations et d’atroces souffrances. Mais Rozan de Mazilly est d’un moral à toute épreuve, d’une volonté de fer inébranlable, et devient chocolatier en région parisienne. Il partira fonder sa propre entreprise à Oloron Sainte-Marie en 1924. Aidé par un milliardaire américain, Franck G. Gould, il pourra développer son entreprise jusqu’à attirer l’attention des grands chocolatiers suisses Lindt.
Rozan suggère à Lindt, en 1953, de venir à Oloron Sainte-Marie implanter une de leurs usines de chocolat. En 1956, la mort de l’actionnaire principal, et le manque d’intérêt pour les choses chocolatées de sa succession virent la Chocolaterie de Rozan passer définitivement sous le contrôle des suisses. Mais Rozan de Mazilly ne s’en plaignait pas, bien au contraire : entre lui et Lindt, une relation de confiance, s’était établie, et ne sera jamais remise en cause. Il était par ailleurs resté président d’honneur de l’entreprise."TARTINES.FR
Et là encore, pas de tablette de chocolat géante sur un rond-point malgré cette belle histoire.
Il y aurait plein de choses à dire sur Oloron-Sainte-Marie. Plein d'autres histoires, comme celle à l'origine du nom de cette petite rue discrète, quelque part, à l'écart du centre-ville...
L'escalier du jaloux.
On raconte qu'avant que ne soit construit la mairie, le terrain était alors occupé par d'immenses jardins découpés en parcelles. La légende dit qu'un homme surveillait depuis sa fenêtre son épouse lorsque celle-ci allait ramasser les légumes.
Voilà.
C'est sur ces bons mots -ou pas- que se termine ce périple D936 rempli de paysages, d'histoires, de rencontres et d'Histoire.