L'autre jour, alors que j'étais sur la plage d'Ilbarritz à Bidart, je me suis soudainement dit : "Tiens, et si maintenant j'allais scruter la lumière d'hiver sur l'océan du côté de Tarnos !"
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...
Ben oui quoi ! Il fait beau, faut sortir !
D'ailleurs, si j'ai bien compté...
Alors t'as qu'à voir !
Après une petite promenade sur les plages d'Ilbarritz et de la Milady du côté de Bidart et Biarritz (cf : Bidart-Biarritz), je me dirige vers le Nord pour rejoindre l'étonnante digue de Tarnos. 18 kilomètres dans les rues biarrotes, angloyes (c'est le nom se rapportant à Anglet) et bayonnaises avant de traverser l'Adour par le Pont Rouge pour passer à hauteur du port de Bayonne puis le département des Landes.
En cours de route, je ne sais pas pourquoi- je décide de changer mes plans en allant sur la plage du Métro pour voir comment se tient le blockhaus à cheminée. J'emprunte l'avenue du 1er mai, bordée par les grandes usines de Safran. Je trouve ça intéressant que l'on est donné le nom de la date de la Fête du travail pour cette avenue où se trouvent les plus grandes entreprises du sud ouest.
Je tourne à gauche. Avenue Julian Grimau, ancien dirigeant du Parti communiste d'Espagne, ancien fonctionnaire du gouvernement républicain, exécuté par le régime franquiste le 20 avril 1963.
1er mai, Julian Grimau. J'ai l'impression que Tarnos n'est pas une ville de Droite. En regardant les maires qui se sont succédés ici depuis 1919, effectivement, il n'y a que des maires communistes.
J'arrive sur le parking de la plage du Métro. Drôle de nom pour une plage ! Plage du Métro-boulot-dodo... Pourquoi un tel nom ?
"N’allez pas chercher la trace d’une voie ferrée amenant les Tarnosiens et les vacanciers jusqu’aux cinq kilomètres de sable qui bordent la commune. L’explication se trouve un peu en amont, sur la route qui traverse la pinède. Une vaste bâtisse aux volets rouges, achetée à l’époque du Front populaire par le syndicat CGT de la RATP. L’été, les enfants des agents du Métropolitain parisien y venaient en colonie, et l’hiver, la demeure faisait office de sanatorium. « Pour les gens du coin, c’est devenu le Métro », expliquent nos trois historiens du matin. (...) Mais en 1936, on est loin, très loin encore de parler de la plage du Métro qui n’existe que depuis 1977."SUD OUEST
À cette époque de l'année, le lieu est bien calme. Les quelques cabanes qui hébergent l'office du tourisme, un petit snack et une école de surf sont fermées.
Pas de métro, mais une ancienne piste d'aviation ; piste d'essai pour l'entreprise Dassault. Aujourd'hui, le goudron a disparu et la végétation reprend peu à peu ses droits.
Je longe cet espace protégé pour rejoindre la plage. Au sud des cabanes de surveillance de plage (vide en cette saison), je vois le blockhaus avec cheminée que j'ai souvent photographié. Comme le paysage, lui aussi change souvent de couleur et de "forme" dans le sens où la dune recule, ou avance -c'est selon où l'on se place.
Aujourd'hui, en ce mois de janvier,
voici ses couleurs et son profil.
Il a des airs de baleine échouée, tournant le dos aux vagues atlantiques.
Avec, au loin, dans la brume iodée, la silhouette du phare de Biarritz.
Je remarque que la dune avance-recule en voyant les vestiges d'un autre blockhaus réapparaitre sur le haut de la plage.
De la plage du Métro à la plage de la Digue, plusieurs de ces édifices jonchent le sable, nous rappelant que dès 1940 Tarnos était occupée. Mais c’est à partir de 1942 qu’Hitler ordonne la fortification du littoral atlantique pour se prémunir d’éventuels assauts alliés. Des Pyrénées à la mer du Nord, ce sont 8 000 bunkers qui sont construits en deux ans le long de 4 000 km de plages. Cet immense chantier est mené par l’ingénieur Fritz Todt. De tradition "communiste", les villes de Boucau et Tarnos ont fait l'objet d'attention toute particulière de la part des nazis. Ces derniers ont, entre autres, destitué et déporté les deux maires communistes de l'époque pour les remplacer par des maires fantoches.
Tiens, puisque nous parlons de Seconde Guerre Mondiale et de résistance, écoutons le nouveau morceau d'Axel Bauer, "Ici Londres".
Bien sûr, tout le monde connait Axel Bauer pour son tube des années 1980, "Cargo" dont le clip fut le premier clip réalisé par Mondino et le premier clip français à passer sur MTV. Axel Bauer, c'est également"Eteins la lumière" en 1992, puis avec Zazie pour "A ma place" en 2002.
Mais Axel Bauer, c'est également le fils de Frank Bauer. Et Franck Bauer, eh ben, c'est c'était le dernier speaker de Radio Londres avec ce fameux "Les Français parlent aux Français" qu'il a prononcé 517 fois. Engagé dans les Forces françaises libres (FFL) dès le 4 juillet 1940, il participa à plusieurs opérations de résistance (en Cornouailles, sur l'île de Sein,...), puis devint espion aux Etats-Unis avant de rejoindre l'équipe de Radio Londres en 1941. Dans le même temps, fan de jazz et musicien lui-même, il anime sa propre émission de jazz, Radio Swing Club. Il fut également batteur de Django Reinhardt.
Franck Bauer est décédé le 6 avril 2018. Cette chanson est un hommage d'un fils à son père, sur des paroles de Boris Bergman.
Je quitte la plage du Métro et ses blockhaus pour me rendre à la plage de la Digue, un peu plus au nord.
Quelques minutes et quelques kilomètres plus tard, me voilà garé sur le parking de la plage de la Digue.
En 2019, j'étais venu ici et la plage avait une autre allure, suite aux intempéries.
Je ne vais pas reparler de l'histoire de la construction de la digue construite entre 1962 et 1966, mais si tu veux en savoir plus, l'historique de la construction est ici : La digue de Tarnos.
Alors, bien sûr... enfin, je ne sais pas pour toi... mais, personnellement, dès que j'entends le mot "Digue", je ne peux m'empêcher de penser et de reprendre en choeur le fameux refrain ♫"La digue, la digue... De Nantes à Montaigu, la digue du cul !"♫ Ah oui, là, c'est pas du Axel Bauer.
Mais d'où vient cette chanson paillarde ?
Apparemment, elle prendrait ses sources au Moyen Age. Une autre hypothèse soutient que les paroles auraient étéécrites par un auteur florentin à la Renaissance. L'office du tourisme de Montaigu, elle, nous dit que l'origine de la chanson viendrait d'une duchesse, Marie-Caroline de Bourbon, Sicile, tombée dans l'étang formé par la digue sur l'Asson, vue par les Montacutains se déshabiller pour sécher ses vêtements. D'ailleurs, une plaque commémorative a été installée derrière la mairie de Montaigu pour rendre hommage à cette chanson.
Toujours est-il que cette digue existe bien et qu'elle est longue de 44 kilomètres.
Revenons à la digue non pas du cul, non pas de Montaigu, mais bel et bien de Tarnos.
Il y a une belle lumière. Il ne fait pas froid. Parfait pour aller marcher sur cette langue de béton traversant l'océan sur plus de 1000 mètres.
"Longue de plus de 1000 mètres, elle est constituée de 750000 tonnes d’enrochements, d’une dalle de 2.50 mètres d’épaisseur et d’un mur garde-mer de 3 mètres de haut (30000 m3 de béton). 3300 blocs cubiques de 40 tonnes en béton protègent les parties exposées à la houle. L’ouvrage vit sous l’action de la mer, et des interventions régulières sont nécessaires."
Ben oui, du béton ! C'est pas naturel, mais il y a quelque chose d'attirant dans cette grande langue tirée vers l'Ouest.
Le fait de penser marcher au milieu de l'océan (j'exagère à peine)...
Tout en marchant aux sons des vagues, on peut jeter un regard sur les paysages alentours pour les apercevoir différemment au loin.
La chaine pyrénéenne enneigée au-dessus de la forêt de Chiberta
qui peine à se remettre du violent incendie de juillet 2020.
La sortie ou l'entrée (suivant les marées) de l'Adour vers l'Océan Atlantique.
Des formations nuageuses étranges au dessus des monts basques.
La Rhune et Biarritz en silhouette avec le phare et le rocher de la Vierge.
La plage de la Digue à perte de vue.
Des usines avec de grandes cheminées
Et puis, marcher sur la digue,
c'est aussi rencontrer les différents écrits, tags et grafs
posés sur le béton.
Ce n'est plus du Street Art, mais bel et bien du Dyke Art.
Un regard au loin...
...pour constater que le soleil ne va pas tarder de disparaitre sous la ligne d'horizon.
Et une question se pose alors :
Non.
La question qui se pose est : "Est-ce que le coucher du soleil ne serait pas mieux depuis Les Sables d'Or, à Anglet ?"
C'est parti.
Je retraverse l'Adour par le Pont Rouge. Je passe à hauteur de Chiberta pour suivre le boulevard de la plage, entre dunes et maisons d'architectes. Une diversité incroyable de structures, de maisons, de jardins. Béton, blanc, noir, verrières, toit plat, courbé...
J'arrive aux Sables d'Or.
C'est l'un des rares endroits en cette saison où les bars et restaurants de bord d'océan sont encore ouverts. L'un des rares endroits où l'on peut voir le soleil se coucher en buvant un verre de janvier.
Bon, là, ça caille un peu donc je me suis mis à l'intérieur, derrière une vitrine. Quelques reflets de guirlandes de Noël intérieures viennent se superposer aux couleurs changeantes extérieures de fin de journée.
Un peu plus au nord, le phare de Biarritz admire l'horizon changeant.
Fin de journée de janvier. Fin de périple pour aujourd'hui.